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Feb 24
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Opinion Pieces, Uncategorized @fr
Lettre de Lady Diana Mukpo

Office de la Druk Sakyong Wangmo

Chers membres de la communauté Shambhala,

C’est avec le cœur gros que je vous écris aujourd’hui. Nous vivons tous un moment extrêmement douloureux actuellement. Cependant, à bien des égards, je pense que la situation dans laquelle nous nous trouvons en tant que communauté était inévitable. Le profond dysfonctionnement et la méchanceté au cœur de notre organisation a été comme un abcès purulent qui a fini par éclater. Les révélations qui ont vu le jour au cours de l’année écoulée sont abominables. Il a été très choquant d’apprendre comment des femmes ont été abusées. L’abus de pouvoir et la rupture de confiance qui ont permis à ce que cela se produise est inimaginable. En tant qu’organisation, ainsi qu’à titre individuel, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir non seulement les femmes qui ont été abusées, mais comme nous le savons maintenant, également les hommes qui sont victimes.

J’ai eu le cœur brisé depuis toutes ces années en voyant la vaste vision du Vidyadhara se réduire de plus en plus. Il disait que Shambhala était un vaste parasol qui engloberait un grand nombre d’activités et de niveaux de pratique divers. Au cours de ces deux dernières décennies, notre communauté s’est fracturée, et les enseignements qui promettent une voie vers la création d’une société éveillée bienveillante ne sont plus que des mots creux.

Pendant mes dix-sept ans de mariage avec le Vidyadhara, je l’ai vu se manifester et enseigner de bien des façons différentes. Pour lui, la priorité a toujours été de trouver la meilleure façon de créer un lien avec les gens. Je suis convaincue que s’il était encore vivant aujourd’hui, il utiliserait des formes totalement différentes pour interagir avec ses étudiant(e)s de celles qu’il employait à l’époque où il a enseigné. De son vivant, il a créé la Cour Kalapa comme un moyen pour ses élèves d’accéder à lui. L’interprétation actuelle de la cour est une perversion de cette intention initiale. La cour du Vidyadhara était conçue pour créer un pont pour ses élèves pour qu’ils puissent interagir avec lui. Le modèle actuel a construit un mur.

Je trouve que le modèle de la cour et de la monarchie est devenu un obstacle, où, comme nous l’avons appris récemment, il y avait des abus et de la cruauté. J’ai évité la situation de la cour depuis plusieurs années, car je me sentais de plus en plus mal à l’aise dans cet environnement. C’était très triste pour moi, mais j’ai senti que je devais prendre mes distances. En même temps, n’étant pas au courant des abus qui s’y perpétraient, je m’étais dit que cela n’aurait fait qu’aggraver les divisions si j’avais parlé publiquement de ce que je percevais comme une conception erronée des enseignements. J’ai vu disparaître tant de beaux aspects de notre culture, qui ont été remplacés par ce que j’ai perçu comme de la religiosité à connotation culturelle. Comme beaucoup d’autres, je me suis sentie, moi aussi, marginalisée et j’ai subi une dynamique de pouvoir malsaine. Si j’avais cru que m’exprimer publiquement aurait été utile, je l’aurais fait. A bien des égards, je regrette aujourd’hui de ne l’avoir pas fait plus tôt. En privé, au fil des années, j’ai essayé de donner des conseils au Sakyong, mais il a réagi en évitant toute communication avec moi. Je lui ai écrit à deux reprises en été dernier, en l’implorant d’assumer la responsabilité de ses actes. Nous avons parlé au téléphone où j’ai réitéré ma demande. Au bout du compte, c’est à lui de faire ce qu’il peut pour réparer les torts qu’il a causés.

Il y a eu beaucoup de débats sur l’enfance du Sakyong. Il a eu une enfance très difficile. A son arrivée dans ce pays, c’était un enfant de dix ans traumatisé ; et moi, sa belle-mère, je n’avais que dix-neuf ans. Je n’avais pas les compétences parentales pour l’aider suffisamment. J’en suis navrée et j’aurais aimé qu’il en fût autrement. Son père a toujours été un père aimant avec le Sakyong, mais il ne lui a pas accordé toute l’attention dont il en avait besoin. C’est triste également, mais nous avons tous vécu des traumatismes à des degrés divers. La vie est faite ainsi et cela n’excuse pas l’abus de pouvoir qu’il a exercé et tout le reste qui allait avec.

Il y a eu également beaucoup de débats à propos du Vidyadhara tout au long de l’année écoulée. Je pense qu’il est de mon devoir d’être complètement honnête sur sa vie. C’était la personne la plus brillante, bienveillante et perspicace que j’aie jamais rencontrée. Il était aussi parfaitement insondable. Quand on examine sa vie, il est facile de porter des jugements, puisque son comportement était très atypique. C’était un être humain et il n’était pas parfait, mais il était infatigablement bienveillant et a aidé un grand nombre de gens. En cette période difficile, de nombreuses personnes se sont exprimées pour raconter comment il leur a sauvé la vie. Ce sont là leurs propres mots, et je les comprends tout à fait.

En général, et c’est compréhensible, les gens – surtout ceux qui ne l’ont pas connu et qui ne font que répéter des ouï-dire – émettent parfois des jugements négatifs à son sujet. Je sais qu’il y a une personne a déclaré publiquement s’être sentie traumatisée par le Vidyadhara et son entourage. En tant que son épouse, les dernières années de sa vie ont été très difficiles pour moi. Je n’ai aucun doute que l’alcool a eu un effet dévastateur sur son corps et son esprit au cours des dernières années de sa vie. Mon regard sur ce sujet est assez différent de celui de certains de ses étudiants proches à cette époque-là. Plusieurs de ses étudiants proches ont déclaré avoir eu des expériences positives pendant cette période-là, et je respecte cela. Je pense qu’aujourd’hui, nous devons respecter l’expérience des uns et des autres, plutôt que de la nier ou de la juger. En tous cas, pour moi, personnellement, ce fut une période très difficile. Cependant, cela n’enlève rien à la brillance de ses enseignements aussi bien dans ses paroles que dans les environnements sacrés qu’il a créés comme situations pédagogiques.

D’après le Vidyadhara, les enseignements Shambhala devaient être pratiqués en même temps que le bouddhadharma et les deux devaient se soutenir mutuellement. Par exemple, il a écrit : « Nous pouvons planter la lune du bodhichitta dans le cœur de chacun et le soleil du Soleil du Grand Est dans leur tête. » (Collected Kalapa Assemblies, page 194) La diminution d’importance accordée par le Sakyong aux enseignements Kagyu et Nyingma, jusqu’à leur omission pure et simple durant ces quinze dernières années, s’est faite au grand détriment de notre communauté. Le Vidyadhara dirigeait des Assemblées Kalapa où il ouvrait les termas Shambhala, et en même temps, il enseignait aussi des séminaires Vajradhatu où il transmettait les enseignements bouddhistes des trois yanas d’une manière traditionnelle. Peu avant sa mort, alors qu’il était gravement malade, il a accordé la priorité à conférer l’Abhisheka de Chakrasamvara à plusieurs centaines d’étudiants. C’était une cérémonie bouddhiste importante, qui conférait aux gens l’autorisation de pratiquer des enseignements vajrayana avancées. Il avait estimé qu’il était impératif pour lui de donner cette transmission aux pratiquants expérimentés. Je suis vraiment convaincue que pour lui les enseignements Shambhala et bouddhistes revêtaient une importance égale.

Lors de la première Assemblée Kalapa, en 1978, il y a eu beaucoup de débats autour des problèmes éventuels qui pourraient résulter de la propagation de la vision Shambhala. A cette époque-là, les gens interrogeaient souvent le Vidyadhara ouvertement et se posaient des questions réciproquement sur toutes sortes de sujets. Et voici la question qu’on lui a posée :

« A ceux qui s’inquiètent du fascisme et de la possibilité que Shambhala ne se dégénère, pourriez-vous dire ce qui pourrait servir de garde-fous ? »

Voici sa réponse : « Messieurs, c’est l’humilité. La plupart des guerriers sont des gens humbles. Voilà tout. Et ce sont aussi des pratiquants du bouddhadharma. » (Collected Kalapa Assemblies, page 148)

De nombreux autres exemples démontrent que le Vidyadhara pensait que les deux aspects de ses enseignements étaient tout aussi importants et solidaires mutuellement. Je ne pense pas qu’il avait l’intention de réunir ces enseignements en un seul et unique « bouddhisme Shambhala », comme le Sakyong l’a fait après la mort du Vidyadhara. Cette démarche a provoqué des clivages profonds et douloureux, non seulement vis-à-vis des élèves de cœur de Trungpa Rinpoché mais également avec des membres et enseignants éminents de la communauté tibétaine. Je pense donc que nous devons nous tourner vers le bouddhadharma, ainsi que vers les enseignements Shambhala, pour trouver un chemin pour aller de l’avant. Cela n’invalide en rien la voie enseignée par le Sakyong, ni la diligence de ses élèves qui s’y appliquent ni l’expérience authentique de dévotion que nombre d’entre eux ont eue. C’est plutôt une invitation à adopter une version plus vaste de notre relation au dharma.

Je vous écris aujourd’hui pour vous faire part de mes réflexions les plus intimes, car je crois fermement que cette communauté vaut la peine que l’on se batte pour elle. L’incomparable pratique de la méditation et tous les enseignements précieux que nous avons reçus ont aidé une multitude de personnes. De toute évidence, tout doit être réévalué pour qu’une structure organisationnelle saine puisse voir le jour. Au cours de l’année écoulée, je craignais que le déroulement des événements n’aboutisse à la destruction de Shambhala, mais à présent, je me dis qu’en fait, ces révélations pourraient au contraire sauver notre précieuse communauté. Je prie de tout cœur pour que nous puissions nous remettre sur la bonne voie et devenir ce que nous professons être, à savoir un foyer sûr et nourrissant pour ceux et celles qui sont à la recherche de ces enseignements. Je n’ai pas les réponses, et je ne sais pas non plus comment tout cela peut se réaliser. Il y aura sûrement encore plus de difficultés à mesure que les choses avancent.

Sachez que je suis prête à faire tout mon possible pour aider. Je serai disponible pour tous ceux qui voudront me contacter.

Pour finir, je voudrais parler du rôle que j’ai joué en tant que détentrice des droits d’auteur pour l’ensemble des œuvres écrites et de la propriété intellectuelle du Vidyadhara. Depuis sa mort, il y a presque trente-trois ans, une trentaine de livres ont été publiés, et bien d’autres pourraient paraître dans les années à venir. J’ai toujours souhaité rendre son œuvre accessible et disponible pour tous ceux qui souhaitent apprendre de ses enseignements et les mettre en pratique. Je considère cet héritage comme une responsabilité sacrée et je continuerai à veiller à la protection et à la sauvegarde de ses enseignements pour les rendre disponibles aux gens pour des années à venir. Je ferai tout ce qui est nécessaire pour honorer cet engagement que j’ai pris vis-à-vis de vous.

Je vous porte tous dans mon cœur.

Diana J. Mukpo

Contact Lisa Fiore at: [email protected]

(Les Traductions Manjushri, France, février 2019)

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